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13 déc. 2012

Ksar-El-Azeoudj, Sahara : 1903 - fiction



Le Petit journal illustré, 15 décembre 1903.
Graves évènements dans le Sud Oranais

Les désordres et l'état d'anarchie qui règnent au Maroc sont, si l'on peut s'exprimer ainsi, continuellement à l'état endémique et ont de dangereuses répercussions sur notre frontière algérienne. On sait par ailleurs comment l’or d'Albion n’y est pas étranger. On sait enfin comment, tantôt sur une partie du Sahara, tantôt sur une autre, un agitateur se lève, groupe une poignée de partisans, proclame la guerre Sainte et se lance dans les aventures. 

Le moindre effort de nos ardentes troupes suffit, le plus souvent, à dissiper la faible nuée des rebelles et insoumis. Mais il ne semble pas en être de même cette fois comme lors des dernières aventures de ce genre et il serait puéril de nier que l'on n’ait pas été inquiet, depuis quelques semaines, des évènements survenus dans la Saoura.


Voici donc qu'un certain Omar Jilai ben Driss el Youssef, natif de Zarahun, dont il a pris le nom, prêche la révolte contre les Roumis dans les puissantes tribus berbères montagnardes des Awlad al-Nasir, des Dawi Mani et Aït'Atta. L'air prophétique, il va simple, monté sur une ânesse, ce qui l'a fait surnommer le ‟Père de l'Ânesse"; devant lui, on porte son tapis de prières, sur lequel il se place pour exciter le peuple à la révolte, et derrière lui chemine un serviteur sur un cheval blanc. Connaissant l'esprit superstitieux des auditeurs à qui il s'adresse, Omar commence par faire devant eux des tours de prestidigitation qui frappent vivement leur imagination. Puis il prêche la guerre Sainte ; il réclame même le trône du Sultan dont il se dit le frère aîné, et déjà, il a réuni une troupe nombreuse.


Des troubles graves sont à redouter, qui ne peuvent laisser le gouvernement français indifférent, étant donné le voisinage immédiat de nos possessions en Algérie. C’est ainsi que le 13 novembre dernier, le poste de Taghit télégraphie qu'une harka très considérable a passé la frontière de l’Oued-Guir au lever du jour entre Aïn Séfra et Béchar pour pénétrer dans la Saoura. Le gouverneur militaire de la province d'Oran a immédiatement ordonné l'envoi de renforts en direction des postes menacés.


C’est dans ce contexte au combien angoissant que la nouvelle que nous publiions hier, dans notre édition du soir, concernant les rumeurs d’un vif combat ayant eu lieu aux portes du fort d’El-Azeoudj, est précisément confirmée ce matin de divers côtés.


Au ministère de la guerre, on communique la note suivante :
" Le 5 décembre en fin de matinée, le capitaine Raoul de Toubeau-Monfils, à la tête d’une colonne de renforts se présentant aux portes du Ksar-El-Azeoudj, a été attaqué par un fort contingent de ksouriens, rassemblé depuis quelque temps autour du poste tenu par un détachement du premier régiment étranger. 
La colonne de renforts était composée d’une section de la légion étrangère, d’une compagnie de tirailleurs indigènes et escortée par un détachement de chasseurs d’Afrique. Grâce à l'intelligente activité, au courage et au dévouement de leurs officiers, nos vaillants soldats ont su faire preuve d’autant de vigueur que d’entrain à démontrer leur belle humeur militaire".





L’ennemi, médiocre tireur, se tenait en guet-apens sournoisement dissimulé à couvert des pitons rocheux dominant la piste. Dès le début de l’engagement, la petite troupe française, isolée au milieu du désert aride, fut tout de suite entourée et harcelée de tirs heureusement trop lointains.





Fermement décidé à forcer le passage, le capitaine de Toubeau-Monfils fit déployer ses tirailleurs de part et d’autre de la piste de façon à pouvoir répliquer par des feux de salves aussi nourris que précis à l’effet dévastateur.



Surgissant du poste fortifié, un peloton des légionnaires vint se déployer à son tour pour tendre la main à leurs frères d’infortune.



N’écoutant que leur hardiesse, les chasseurs d’Afrique contournèrent la position ennemie qui dominait la piste afin de donner une rude leçon aux brigands qui tenteraient de se replier. Mais mal leur en pris, ils se retrouvèrent face à face avec un fort parti de méharistes Touaregs jusque-là dissimulés.




C’est qu'en effet, la fusillade s’intensifiant, de nouveaux assaillants surgirent de toutes parts, piétons, chameliers et cavaliers, cette fois ci sérieusement approvisionnés, armés de fusils Remington et très bien dressés au combat. L’affaire devint sérieuse.









De tous côtés, il faut arrêter l'élan de l'ennemi stimulé par ce début de victoire et, coûte que coûte, retarder leur marche. Les hommes comprennent que seule leur ténacité les sauvera.





Ouvrant la marche avec allant sous les balles des rebelles, nos légionnaires parvinrent à mi-chemin du fort et de leur salut. C’est alors qu'ils se trouvèrent soudainement menacés sur leur flanc par quelques tirailleurs embusqués derrière les murets d’une palmeraie.



Qu'importe ! Crânement, ils abattent toute tête qui apparaît. Quand ils ont éjecté leur dernière cartouche, ils plantent leur baïonnette au bout du canon et, d’un sublime élan d'une énergie farouche, se ruent dans un combat corps à corps. Les rebelles sont bousculés, culbutés et finalement mis en déroute.




Cette glorieuse action d’éclat permit au reste de la colonne de gagner sans plus d'encombre l’abri du Ksar-El-Azeoudj et d’y installer le canon à tir rapide qui garantira la garnison contre toute nouvelle tentative.





L’affaire fut chaude et le combat acharné de part et d'autre. Finalement, les assaillants furent mis en déroute et s'enfuirent, laissant sur le terrain cent cinquante morts, parmi lesquels trois de leurs caïds et cinq fils d'un autre chef.
Malheureusement, nos pertes furent graves : point d'officier mais 17 sous-officiers et hommes du rang ainsi que plusieurs tirailleurs tombèrent sous les balles ennemies.

Hélas, il fallut attendre la nuit pour que les chasseurs d’Afrique, décimés, épuisés, mourants de soif puissent à leur tour rallier Ksar-El-Azeoudj, un par un, c’est-à-dire en débandade. Nous n’insisterons pas davantage sur ce point qui relève de la cour martiale.

A la nouvelle de ces déplorables évènements  tous les journaux français (même ceux qui vont d' ordinaire chercher leurs inspirations dans les bureaux du quai d’Orsay) sont d'accord sur le but à poursuivre, sur le seul moyen pratique d’imposer la paix à nos farouches et indisciplinés voisins : il faut qu’une forte garnison française occupe la région des oasis. Seul cet acte peut ramener le calme dans ces régions troublées et relever notre prestige entamé aux yeux de ces tribus guerrières et fanatiques. Autrement nos postes et nos convois de ravitaillement auront périodiquement à répondre à des attaques du genre de celles de Ksar-El-Azeoudj, et probablement même à de plus importantes et de plus dangereuses. Allons-nous montrer enfin un peu d’énergie, de décision?
M. Delcassé négocie, paraît-il. Si pareille aventure était arrivée aux Anglais, ils n’y auraient pas mis tant de façons !